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Dubai Papers: setting up a temporary self-denunciation mechanism

Enfin une bonne nouvelle pour les clients concernés par l’affaire des Dubaï Papers qui avait défrayé la chronique en 2018 car, s’ils sont encore exposés à des risques pénaux liés notamment aux délits de blanchiment et de fraude fiscale, ils vont pouvoir bénéficier d’une fenêtre d’autodénonciation leur permettant d’adoucir les sanctions applicables.


Pour rappel, le volet pénal de ces dossiers est principalement fondé sur les délits de fraude fiscale, de fraude fiscale aggravée (dissimulation de revenus et avoirs à l’étranger, usage de faux, etc.) et de blanchiment de fraude fiscale. Ces infractions sont sanctionnées par des peines d’emprisonnement et d’amende conséquentes, outre de lourdes sanctions fiscales.


Fraude fiscale


Le délit de fraude fiscale, prévu et réprimé à l’article 1741 du code général des impôts, consiste dans le fait de ne pas déclarer délibérément une partie de ses revenus au Trésor public dans le but d’éluder tout ou partie des impôts dus.


Cette fraude est juridiquement constituée en cas d’omission délibérée de déclaration, de dissimulation volontaire de biens ou revenus soumis à l’impôt, d’organisation de son insolvabilité, ou encore de toute manœuvre visant à faire obstacle au recouvrement de l’impôt.


L’administration fiscale peut décider d’engager des poursuites pénales après avis de la commission des infractions fiscales, placée sous la tutelle du Ministère du budget, si elle constate un comportement frauduleux. Dans cette hypothèse, l’auteur présumé encourt alors jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 500 000 € d’amende.


La peine est portée à 7 ans d’emprisonnement et 3 000 000 € d’amende dans les cas suivants (fraude fiscale aggravée) :


  • Faits commis en bande organisée ;

  • Ouverture de comptes ou souscription de contrats auprès d’organismes établis à l’étranger ;

  • Interposition de personnes ou d’organismes écrans établis à l’étranger ;

  • Usage d’une fausse identité ou de faux documents ;

  • Domiciliation ou acte fictif ou artificiel à l’étranger.


Les peines complémentaires, d’une part, d’interdiction des droits civiques, civils et de famille, et, d’autre part, d’affichage/diffusion de la décision de condamnation sont par ailleurs encourues de plein droit, sauf décision contraire expresse et motivée de la juridiction pénale.


La première de ces peines complémentaires est également prononcée dans les mêmes conditions à l’égard de toute personne condamnée pour blanchiment ou recel du délit principal de fraude fiscale.


Blanchiment de fraude fiscale


Le blanchiment est une infraction de conséquence, c’est-à-dire qui intervient dans le prolongement d’une infraction initiale. Il est ainsi défini à l’article 324-1 du Code pénal comme l’introduction par divers moyens du produit d’une infraction dans l’économie légale afin d’en dissimuler l’origine délictuelle.


Toute personne poursuivie pour blanchiment de fraude fiscale risque une peine de 5 ans d’emprisonnement et 375 000 € d’amende.

Lorsque le blanchiment est commis de manière habituelle, en utilisant les facilités que procure l’exercice d’une activité professionnelle ou en bande organisée, les peines sont portées à 10 ans d’emprisonnement et 750 000 € d’amende. S‘agissant de l’amende, il faut noter que son montant peut être relevé à la moitié de la valeur des fonds blanchis, ce qui peut aboutir au prononcé d’une peine d’amende conséquente.


Au regard de ce qui précède, la réintroduction dans le circuit économique légal de l’argent dissimulé aux services fiscaux s’apparenterait à du blanchiment de fraude fiscale, l’objectif étant d’éviter une nouvelle fois l’impôt dû à raison de la somme dissimulée. Cette infraction est donc susceptible d’être retenue dans le cadre des dossiers relatifs aux Dubaï Papers.


Recel de fraude fiscale


Le recel, prévu et réprimé aux articles 321-1 et suivants du Code pénal, consiste dans le fait de détenir, dissimuler ou transmettre le produit d’un crime ou d’un délit, ou de bénéficier dudit produit. Dans sa forme classique, cette infraction est punie d’une peine de 5 ans d’emprisonnement et de 375 000 € d’amende.


En revanche, lorsque le recel est commis de manière habituelle, en utilisant les facilités que procure l’exercice d’une activité professionnelle ou en bande organisée, les peines sont portées à 10 ans d’emprisonnement et 750 000 € d’amende.


Enfin et à l’image de ce qui est prévu en matière de blanchiment, le montant de l’amende peut ici aussi être relevé à la moitié de la valeur des fonds recelés, ce qui peut aboutir au prononcé d’une peine d’amende conséquente.

Ainsi, cette infraction est susceptible de s’appliquer à toute personne ayant détenu, dissimulé ou transmis les sommes cachées au Trésor public. Elle peut également s’appliquer à toute personne ayant bénéficié du produit résultant de la commission d’une fraude fiscale. Elle est donc susceptible d’être retenue dans le cadre des dossiers relatifs aux Dubaï Papers.


Prescription de l’action publique


Depuis le 1er mars 2017, les délits se prescrivent par 6 ans (au lieu de 3 ans antérieurement à cette réforme).


Par ailleurs, les infractions dites « occultes » ou « dissimulées », commises le plus souvent dans le domaine de la délinquance financière, relèvent d’un régime de prescription spécifique. Il s’agit d’infractions qui n’ont pas pu être découvertes par la victime ou par l’autorité judiciaire, l’auteur présumé ayant le plus souvent empêché leur découverte.


Le nouvel article 9-1 du Code de procédure pénale consacre ainsi la jurisprudence selon laquelle le point de départ du délai de prescription de ces infractions ne commence à courir qu’à compter du jour où l’infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement ou l’exercice de l’action publique.


Des « délais butoirs » sont toutefois instaurés, avec un point de départ du délai de prescription qui ne pourra pas être reporté de plus de 12 ans pour les délits.


Dans le cadre des dossiers relatifs aux Dubaï Papers, qui concernent notamment des faits anciens, des problématiques liées à la prescription de l’action publique pourraient intervenir. Celles-ci seront d’autant plus prégnantes que le régime juridique de prescription du délit de fraude fiscale recouvre un certain nombre de spécificités issues de la double nature fiscale et pénale de ce type de procédure, et qu’il existe une jurisprudence déjà nourrie à ce sujet de la Cour de cassation.


Modalités de poursuites


Contrairement au délit de fraude fiscale, la poursuite devant une juridiction pénale des infractions de blanchiment et de recel ne dépend pas de la décision de la commission des infractions fiscales, de sorte que le Ministère public peut décider d’engager des poursuites de manière autonome.


Dans tous les cas, celles-ci peuvent bien sûr prendre la forme d’une citation ou d’un renvoi devant le Tribunal correctionnel en vue d’une audience de jugement.


Mais le Ministère public peut également proposer, lorsque les faits sont intégralement reconnus, une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), dite de « plaider-coupable à la française ».


Celle-ci consiste, pour une personne physique ou morale, à recevoir une proposition de peine du Procureur de la République dans un cadre confidentiel et non public. Si celle-ci est acceptée, elle fait alors l’objet d’une simple audience publique de validation devant un Juge dit « homologateur », dont le contenu et le déroulement sont assez sommaires en comparaison avec une audience correctionnelle.


En cas de refus de ladite proposition, ou de refus de validation par le Juge homologateur, l’examen du dossier sera alors renvoyé au Tribunal correctionnel dans le cadre d’une audience classique.


Le Parquet peut également proposer, mais uniquement si le prévenu est une personne morale, une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) qui consiste à trouver un accord avec le Procureur de la République pour mettre fin à la procédure sans que des poursuites ne soient engagées en contrepartie notamment du versement au Trésor public d’une amende pouvant atteindre 30% du chiffre d’affaires moyen annuel calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date du constat des manquements.


En cas d’acceptation de la proposition d’accord, celle-ci est transmise au Président du Tribunal judiciaire pour validation. Dans l’hypothèse d’un refus de ladite proposition, ou de refus par ce magistrat de la valider, elle deviendra caduque et le Parquet pourra décider de mettre en mouvement l’action publique.


L’avantage de la CJIP par rapport à la CRPC est qu’il s’agit d’une mesure « transactionnelle » mettant fin à l’action publique sans engagement de poursuites, n’impliquant en conséquence le prononcé d’aucune peine et donc l’inscription d’aucune mention au casier judiciaire.


Or, ces procédures sont intéressantes car il ne peut être exclu qu’elle soient justement envisagées par le Procureur national financier à l’égard des personnes qui seraient susceptibles de régulariser leur situation en se signalant auprès du Parquet national financier (PNF) tel qu’elles y ont été invitées aux termes d’un communiqué de presse du 18 janvier 2023.


Régularisation spontanée auprès de l’administration fiscale


L’initiative du PNF n’est pas sans rappeler le dispositif temporaire de régularisation des avoirs non déclarés à l’étranger institué en 2013 et géré par le service de traitement des déclarations rectificatives (STDR) qui avait conduit à la régularisation de plus de 50 000 dossiers jusqu’à sa fermeture, le 31 décembre 2017, leur permettant de bénéficier de remises significatives en matière de pénalités.


Ce dispositif d’autodénonciation n’ayant pas pour effet d’éteindre l’action de l’administration fiscale, les contribuables concernés feront l’objet d’un redressement fiscal avec des conséquences financières qu’il convient d’anticiper.


En parallèle de la dénonciation spontanée auprès du PNF, il convient donc d’envisager une mise en conformité fiscale des opérations concernées ainsi que des avoirs détenus à l’étranger.


La régularisation spontanée consiste à déclarer volontairement des omissions ou erreurs aux autorités fiscales et à régler les droits dus au titre des impôts éludés.


Elle implique d’être en mesure de retracer l’origine des flux et de faire preuve d’une transparence totale afin d’appréhender l’étendue des obligations n’ayant pas été satisfaites.


Cette démarche spontanée est bien accueillie par les services fiscaux et ils continuent, dans certains cas, à appliquer des mesures favorables pour les contribuables souhaitant mettre en conformité leur situation fiscale puisque l’administration fiscale dispose de la faculté de transiger y compris lorsqu’une procédure pénale est engagée.


Lorsque la régularisation concerne des avoirs détenus à l’étranger non déclarés, le délai de prescription applicable en fonction des impôts dus est allongé et fait ainsi peser sur le client un risque de contrôle pendant de nombreuses années.


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Notre équipe dédiée aux problématiques de droit pénal fiscal est en mesure d’apporter des précisions aux personnes concernées, en fonction de la nature de chaque dossier, sur :


  • Les modalités de régularisation ;

  • Les délais de prescription applicables ;

  • Le coût fiscal maximal ;

  • Le risque pénal.


Le bénéfice des mesures de tempérance étant encadré dans le temps (i.e. jusqu’au 30 avril 2023), il convient de prendre attache dès que possible avec vos conseils afin de préparer les éléments de la régularisation.


Nabil Addad, Friedland AARPI

Avocat Associé, Fiscaliste


Alexandre Couilliot, Friedland AARPI

Avocat Associé, Spécialiste en droit pénal

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